Il y a des lectures qui structurent fortement une vie. Deux livres, dévorés tous les deux il y a plus de vingt-cinq années passées, ont positivement orienté la mienne. L’un, le roman «La cité de la joie» de Dominique Lapierre. L’autre, «Mandela, l’indomptable» de François Soudan. Le premier a imprégné en moi le sens de la dignité dans la pauvreté. Le second m’a forgé à la résistance à l’oppression, au refus de l’injustice, à la constance des convictions. Cela à travers la vie et le parcours d’un homme : Nelson Mandela. Un cheminement bouleversant.
En 1987, alors étudiant à l’Université Libre de Bruxelles, je fais la rencontre d’une jeune femme de dix-neuf ans. Je l’épouse deux années après. De notre relation naît, le 19 février 1989, mon premier garçon à l’hôpital Saint Michel d’Etterbeek. Quelques jours avant l’heureux événement, je fis part à la future maman de mon intention de donner à l’enfant le prénom «Mandela». Les raisons que je lui avais données avaient suffi à la convaincre. Notre couple n’aura ainsi pas connu les habituelles bisbilles entre parents sur le prénom, ce premier beau «cadeau» qu’ils offrent à leur rejeton, joli fruit du bonheur de l’amour. J’avais estimé que la haute dimension de l’homme, telle que je l’ai découverte à travers l’ouvrage de François Soudan, méritait bien cet hommage particulier. Et, âgé de 24 ans aujourd’hui, mon fils, qui entame un master en communication à l’Université Libre de Bruxelles, ne m’a jamais tenu rigueur de lui avoir donné ce (lourd ?) prénom. Bien au contraire. Il a naturellement eu droit, au fil des ans et depuis qu’il a l’âge de raison, à d’incessantes explications de ma part. Ses propres documentations sur la vie de l’ancien et illustre prisonnier de Robben Island l’ont éclairé sur la justesse de mon hommage qui, certaines personnes pourraient le dire, frise la vénération. Jugement vite atténué par quiconque prend connaissance de la férocité qui aura été celle de l’ignoble régime de l’apartheid et des sorts que connurent tous ceux qui s’y sont opposés, notamment Nelson Mandela, le plus emblématique d’entre eux, dont les convictions, le combat et, surtout, la démarche politique ont fait de lui un être particulier aujourd’hui mondialement «loué».
Depuis sa libération en février 1990, des témoignages écrits et oraux sur sa personne n’ont cessé d’abonder venant de tous les points cardinaux de la Terre,et de la part d’éminentes personnalités comme des plus humbles gens. Rares sont des êtres faits de chair et de sang qui ont joui -les technologies modernes de la communication l’ont sans doute amplifiée – d’une presqu’unanime et positive appréciation de la part de leurs contemporains. En témoignent, particulièrement, des livres très élogieux qui n’arrêtent pas d’inonder les rayons de librairies. Il y a deux ans, j’en ai offert un à mon fils pour ses vingt-deux ans d’âge. J’y ai mis ces mots : « Man., pour ton vingt-deuxième anniversaire, je t’offre ce livre en cadeau. Après l’avoir parcouru, tu comprendras pourquoi je t’ai donné, à ta naissance, le prénom de Mandela, en hommage à cet homme d’exception pour qui j’ai, comme beaucoup de personnes à travers le monde, une très grande admiration et un profond respect. Papa. ». Le livre, « Mandela. Une vie. » d’Adrian Hadland, est émaillé de belles photos, la plupart très parlantes et à travers lesquelles on voit tous les grands moments et toutes les rencontres importantes de la vie de l’homme qui vient de mourir à 95 ans.
Toute personne attentive est frappée, en regardant les différentes photos,– je l’ai été – par une caractéristique physique permanente: devant tous ses interlocuteurs (ses partisans, ses « fans », ses adversaires comme ses anciens tortionnaires), Mandela arbore systématiquement un tendre sourire, désarmant, et visiblement émis pour rassurer. On s’interrogera si cela relève du naturel ou de la tactique. Probablement les deux. Et cela l’a servi. Tel que peint par Adrian Hadland qui montre la nature et le cheminement de celui qui se sera justement révélé un fin stratège politique. « (…) C’est également à Mqhekezweni que Mandela siège – en secret, les premiers temps – dans les réunions du conseil tribal des thembu. On parcourt des kilomètres pour assister à ces réunions, et chacun est libre d’y prendre la parole (…) Quand le petit Mandela écoutait les histoires le soir autour du feu, il rêvait d’incarner un jour l’un de ces héros africains, comme Makanna ou Autshumao, qui, grâce à leur force et leurs efforts, s’étaient mués en sauveurs de leur peuple. Et il y est finalement parvenu, non pas en maniant la lance ou en terrassant physiquement l’ennemi, mais grâce à des armes bien plus puissantes et durables. Il a neutralisé des adversaires et sauvé son pays par la seule vertu de l’amour, de la compréhension et du pardon ».
Effectivement, une conviction a fortement habité Nelson Mandela qui en a fait sa religion politique : le pardon. Une conviction certainement nourrie par le proverbe qui enseigne que « la haine ne fait du mal qu’à celui qui haït ». Pour pardonner, il faut s’oublier, se dépasser, parfois s’humilier, se donner en sacrifice. Le grand mérite de Mandela – qui lui vaut la planétaire estime qui est la sienne - aura ainsi été d’avoir minimisé ses propres souffrances physiques (il en a rarement parléen public) pour ne considérer que l’intérêt du peuple sud-africain de vivre en paix et en harmonie.
Cet art du pardon et cette grande foi aux vertus de l’unité qu’il a poussés à leur plus haut degré pourraient bien être appelés le « mandelisme » par les théoriciens de la science politique. Adrian Hadland en souligne quelques exemples éloquents : « Mandela rencontre maintes difficultés dans sa marche vers la réconciliation. L’un des plus grands obstacles est l’improbabilité d’un geste de conciliation de la part de l’ancien président Pieter W. Botha. Lorsque Botha refuse net de témoigner auprès de la commission Vérité et réconciliation, Mandela se rend tout spécialement à George, où réside l’ancien chef d’Etat, afin de débattre avec lui. Mais Botha campe sur ses positions et la discussion reste sans issue. Les défis qui suivent l’investiture de Mandela à la tête de la jeune république démocratique sont multiples : il faut non seulement jeter les bases d’une nouvelle démocratie et instaurer des relations saines avec le reste du monde, mais également enterrer les fantômes du passé et restaurer une unité nationale entre les Sud-Africains, sans divergence de points de vue personnels ou de motivations politiques. En août 1995, Mandela, dans un geste de bonne volonté sans précédent dans le pays, fait un pas de plus vers la réconciliation en se rendant dans l’enclave d’Oriana, autoproclamée ‘homeland blanc’ où, non content de rencontrer Carel Boshoff, leader de la petite communauté blanche, Mandela – à l’étonnement du monde entier – honore de sa visite la statue de Hendrick Verwoerd, généralement considéré comme l’architecte de l’apartheid, et prend le thé avec sa veuve, Betsie Verwoerd. Ce geste est universellement salué comme l’un des plus magnanimes jamais effectués par un chef d’Etat en signe de pardon pour les atrocités commises envers son peuple, et même les personnalités hostiles à Mandela ont reconnu le symbole d’une telle démarche dans le processus de guérison des blessures de l’Afrique du Sud. »
Autre grand mérite du premier président Noir de la République sud-africaine : le courage dont il a fait preuve de tenir le discours de vérité à la communauté noire, la sienne, qu’il s’est refusé de caresser dans le sens du poil par des discours identitaires, sectaires, ethnicistes aux visées électoralistes, comme de coutume avec nos politicards.« Jeter vos lances, vos fusils, vos machettes à la mer. Il n’y aura plus jamais de domination d’une communauté sur une autre dans notre pays. L’Afrique du Sud appartient à tous ses citoyens et nous y vivrons ensemble. Nous avons tous des droits égaux», avait-il déclaré dès sa sortie de prison. Sécuriser indistinctement tous ses concitoyens, surtout les minorités (religieuses, politiques, raciales, ethniques,…), refuser d’apparaître, lorsqu’on prend la charge de l’Etat, comme l’homme au service d’un camp, d’une tribu, d’un parti politique ou de toute autre coterie, tel est le grand message que Nelson Mandela a adressé - à travers ses faits et gestes - au monde entier et particulièrement à ses « frères » d’Afrique. L’a-t-on entendu ? L’a-t-on bien capté ? Est-il arrivé au Congo, au Rwanda, au Burundi, en Centrafrique, au Soudan, au Kenya, etc.?
On lit dans le numéro historique de Paris Match (200 pages) du 12 décembre ce commentaire accompagnant quelques photos d’importantes personnalités mondiales, chacune posant, extasiée, à côté de Nelson Mandela : « C’est le monument national le plus photographié d’Afrique, le but de tous les pèlerinages vers la Terre promise de la liberté. Cette idolâtrie lui fait peur. ‘Je ne suis pas un messie. Seulement un homme ordinaire dont des circonstances extraordinaires ont fait un leader’. Il ne veut pas penser aux centaines de rues qui, dans le monde, portent son nom. Des chefs d’Etat, des tops models, des princesses et des sportifs, des rock stars, et même le Pape lui adressent des demandes d’audience. Il en reçoit plus de trois cents par jour. Après vingt-sept ans vécus dans la solitude, en prison, c’est vertigineux». Ces « VIP » – on parle d’une centaine de chefs d’Etat et de gouvernement – qui se sont invités, à Soweto pour ses obsèques. Nelson Rolihlahla Mandela aura eu une vie très particulière. Et une belle mort. Il a été un grand homme. Il demeurera une lumière. Comment ne pas prénommer son fils « Mandela » ?
WINA LOKONDO
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Muvandimwe, nshuti ya SHIKAMA, turagushimira cyane umuganda utanga wo kubaka URWANDA rushya ubinyujije mu bitekerezo byawe( Komanteri). Kugirango turwanye urukungu rw'Agatsiko ni ngombwa ko buri komanteri ibanza gusuzumwa. Yohereze, irahita ijya ku rubuga mu minota mike niba idatandukira( kuvuga ibitajyanye n'inyandiko), itukana, cyangwa yuzuyemo uburere buke.
Wipfusha komanteri yawe ubusa ukoresha "ANONYMOUS", himba izina urikomeze kuko hari ibihembo mu Kuboza 2016 ku bantu 3 bazaba babaye indashyikirwa mu gutanga ibitekerezo. Dukomeje kubashimira ubwitange n'umurava muhorana. IMANA Y'I RWANDA ihorane namwe iminsi yose.
Dg NKUSI Yozefu
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